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Darna@home: Special Mix set par DJ Guedra Guedra (Casablanca)

Une brève histoire de la musique marocaine électronique
guedra guedra

 🎶 MIX N° 3 🎶

Les influences marocaines ont marqué la musique électronique depuis plusieurs dizaines d’années, ce mix tente de retracer ce lien. Barraka El Farnatshi, est un symbole important dans ce sens. Porté par le producteur pat-Jabbar installé en Suisse, ce label marocain existe depuis 88, avec une approche qui dépasse les classifications musicales limitatives entre traditions d’ailleurs et exotisme. Avec plus de 30 productions et quelques groupes, ce label a appuyé des artistes créatifs et avant gardistes. Un pari osé qui a quand-même mené au succès commercial et ce même en dehors de la Suisse et du Maroc.

Le premier track du mix est « Mulkutshi » de l’album « Riam - 1997», du groupe Ahlam, qui fait partie de la famille de Barraka. Le label a ainsi produit 3 disques du groupe Marrakchi, des productions alliant Raï, Techno, Chaabi et Funk. Une démarche moderne et hybride qui se distingue du Raï classique ou de la techno européenne. L’album est le fruit du potentiel créatif du groupe Ahlam mais également de la renommée et de l’expertise du jazzman américain Bill Laswell, qui a fait le travail de mixage. Ce n’était pas la 1ère collaboration de Bill Laswell avec Barraka El Farnatshi. Le contact avait été établi à la fin des années 80, lorsque Paul Bowles, installé à Tanger, lui partage sa découverte de Aisha Kandisha Jarring Effects, groupe underground de trance marocaine. Laswell les invite à venir lui présenter leurs bandes enregistrées directement à New York. Une première rencontre qui s’est soldée par la production de « Shabeestation », 2ème album de AKJE, et qui a connecté le producteur américain à Barraka.

Amïra Saqati, un autre projet des membres de AKJE, a notamment conçu « El Aloua », de l’album "Agdal Reptiles on Majoun - 1995" qu’on retrouve dans ce mix. On y reconnait l’approche d’AKJE qui mélange les musiques traditionnelles du Maroc et du Maghreb (Raï, Gnawa, musiques berbères, Jeel) avec des sons d’ambient et des esthétiques de la dance occidentale.

Dans un autre style du label, on retrouve la voix de Sapho, chanteuse marocaine, sur « Laouah » (inspiré de la musique Zayan du moyen Atlas) et Ya Habib (inspiré de Aïta) de l’album Digital Sheikha – 1998, l'expérience musicale fut extraordinaire.

Bill Laswell n’est pas le seul nom international à avoir collaboré avec les groupes marocains aussi tôt. En 68, Brian Jones, leader du groupe Rolling Stones enregistrait l’album ‘The pipes of pan at Jajouka’, l’album mythique qui fait connaitre les musiciens du village rifain Jajouka. Trente ans plus tard, c’est Talvin Singh, pionnier de la Techno orientale, qui compose un disque hybride entre musicalités traditionnelles et remix électroniques : The Moon Master Musicians Of Jajouka - 2000, dont est prix Above the Moon. La transe onirique des instruments montagnards des Jajouka sont extraits par Talvin Singh pour agrémenter des schémas de jungle et de dub, une ambiance hypnotique en ressort. La Gaïta, instrument Jajoukien par excellence, est aussi au centre de « Judas Goat, Burn It  - 2006 ». Cette collaboration de Filastine avec le joueur de Gaïta Hicham Enouiti nous fait voyager dans le monde de la transe soufie.

L’univers Gnawa est également représenté sur ce mix avec « Lahillah Express », extrait de l’album « Gnawa Impulse – Living Remixes - 2001 ”. Gnawa Impulse c’est la rencontre, en 1998, entre les Gnawis Abdenbi Binizi, Samir Zgarhi et Majid Karadi avec Jan-Claudius Rase et David Beck, multi-instrumentalistes allemands. Les percussions rituelles des Gnawa résonnent avec les percussions synthétiques plus sèches.

Après cette 1ère vague de productions électro-marocaines, une 2ème génération de producteurs et de djs a émergé. Le label Appartement 22 est l’un des visages de cette nouvelle vague d’artistes marocains, il a notamment produit MoMo (Music Of Moroccan Origin) connus pour leur style DaR (Digital and Roots music) qui combine Trance, Techno, Garage et Breakbeat londoniens, ville où ils ont vécu, avec les musiques traditionnelles marocaines de leurs origines. Moulay Youssef Adel aka U-cef, pionnier de la drum & bass à la sauce marocaine, a également été propulsé par l’Appartement 22 qui a produit son album Halalium. Les teintes maghrébines se retrouvent dans le travail de U-Cef au travers des différents sons d’instruments acoustiques qu’il utilise, avec une orientation Gnawa. C’est le cas dans « Hijra – Halalium - 1999 » , collaboration avec Dar Gnawa et Johnny Biz : des lignes de bass à coups de Sintir, une guitare du désert et du rap en arabe et en anglais de Dar Gnawa.

Les sonorités Gnawa réapparaissent sur « Fes Mejdoub », de l’album « L'autre Nuit » enregistré en 2001 sur le Label Prikosnovénie Records, fruit du travail de Von Magnet avec les musiciens Gnawa de Fès.

« Esh 'Dani, Alash Mshit », découle du travail de Cheb I Sabbah, algérien d’origine et californien d’adoption. C’est à Essaouira qu’il plonge dans la galaxie « Houara », notamment durant ses enregistrements avec B’net Marrakech. L’album « La Kahena - 2005» marie beats frénétiques des machines du Cheb avec les rythmes répétitifs et les chants hypnotiques des maestras houaris.

Ce mix ne pouvait se clôturer sans honorer les révolutionnaires AKJE, avec le morceau sombre « Geltlik Ji - Koyo Habib – 2000 ». Abdou El Shaheed, Habib El Malak et Pat Jabbar ont fondé AKJE en 1987 pour s’aventurer dans l’interconnexion Chaabi-Electro, ils ont par la suite été rejoints par S’Mohamed Kbir et Cheb Qchatar en 1988. Les premiers enregistrements, mixés en l’album « El Buya », ont été réalisés sous le label Barraka El Farnatshi qui fut créé sous cette impulsion.

Le dernier voyage de ce mix prend forme dans une ambiance douce, une transe plus lente rythmée par les beats proches de la dub et du trip-hop : « Haytama » de Toires (Sanati - 2002).

 

Article par : Abdellah M. Hassak (Guedra Guedra) et Mouna Guidiri.

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